A Vos souhaits by Fabrice Colin

Auteur:Fabrice Colin [Colin, Fabrice]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy, humour
Éditeur: J'ai lu
Publié: 2004-09-01T00:00:00+00:00

Très bien en ville

Parvenu au sommet de la tour de l’Horloge, harnaché de cordages et de tout un tas de sacoches rebondies, le vieux Dathan Smelgot, qui s’était occupé des pélicans de Phœnix Park pendant une bonne cinquantaine d’années, décida que le moment était maintenant venu de haranguer la foule compacte qui l’observait, surexcitée, près de deux cents pieds en contrebas. Youpi, songea Smelgot en décrochant son porte-voix de sa ceinture. Si je n’ai pas toujours rêvé de faire ça !

D’une main, il se tenait à la corde qu’il avait fixée à l’horloge. De l’autre, il brandissait son porte-voix vers la foule massée au pied de la tour.

— Peuple de Newdon, commença-t-il. Je peux vous dire que ça fait pas mal de temps que j’attends ce moment. Aujourd’hui, vous êtes tous là, et je voudrais profiter de l’occasion pour vous montrer quelque chose. Quelque chose à propos du vol. La sagesse populaire veut qu’il soit impossible de voler. Alors je pose la question : qu’est-ce que j’en ai à foutre, moi, de la sagesse populaire ?

Sa déclaration fut accueillie par une salve de hourras. Les gens agitaient les bras, lançaient leur chapeau vers le jour déclinant. Au milieu de la cohue, un petit garçonnet avec un costume de cochon restait parfaitement immobile.

— Comme vous dites, ah, ah, ah ! Et à présent, hip hip hip ? hurla Dathan Smelgot en piochant dans l’une de ses sacoches pour balancer de pleines poignées de confettis sur la foule.

— Hourra ! répondirent les spectateurs, visiblement ravis.

— Hip hip hip ? redemanda le vieil homme.

— Hourra !

Smelgot lâcha encore plusieurs brassées de confettis sur l’assistance. À cause du vent, les milliers de petites pastilles multicolores flottèrent un moment dans l’atmosphère. Puis, sans raison, le nuage scintillant explosa littéralement, une belle explosion silencieuse, pleine de reflets mélancoliques, et le vieil homme recommença aussitôt, piochant sans relâche dans ses sacoches. Ses confettis étaient promis à une mort certaine mais ils semblaient s’en foutre complètement. Ça se voyait à la façon qu’ils avaient de tourner sur eux-mêmes.

— Bon, et maintenant, conclut Smelgot lorsqu’il eut vidé toutes ses sacoches, le moment que vous attendez tous !

Les gens en bas lui répondaient, mais il n’entendait rien. Ce n’était pas très important. Le vieil homme se sentait léger, plus léger que l’air du soir, ou que la rosée du matin. Il était – oui, il était un pélican à présent. Un pélican fantastique.

Le sourire aux lèvres, Dathan Smelgot détacha la corde qui le retenait à l’horloge et passa son bras autour de l’aiguille des minutes. Elle faisait deux fois sa taille : tendue, et cuivrée, et ponctuelle. En bas, tout en bas, pareils à des fourmis, les spectateurs s’agitaient, et hurlaient des paroles qui essayaient de monter jusqu’à lui mais s’arrêtaient à mi-chemin, découragées et inutiles.

L’aiguille à laquelle il était agrippé eut un soudain sursaut et se dressa à la verticale, droite comme un I. À l’intérieur de l’horloge, un mécanisme se mit en branle avec une diabolique précision de ferraille.

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